Le terme latin communicatio désigne l’action de faire part ou de mettre en commun. La communication a ainsi un double sens : elle est transmission d’information, mais aussi relation et partage.

Les modèles mécanistes de la communication

Les théories de la communication commencent à se développer peu avant la Seconde Guerre mondiale.

1. Le modèle de Shannon et Weaver

a) L‘inspiration

Claude E. Shannon (1916-2001) est un ingénieur travaillant pour la compagnie de télécommunications Bell. Associé au philosophe Warren Weaver (1894- 1978), il s’inspire, pour définir son modèle de « système général de communication« , notamment et à la fois des problèmes de transmissions que connaissent les télégraphes, de la biologie des systèmes nerveux et de la linguistique.

b) Le modèle

Le modèle est linéaire :

Le modèle de Shannon et Weaver

c) Portée et limites

Ce modèle met en avant les obstacles qui peuvent rendre la communication difficile : codage, décodage, bruit (entendu comme tout ce qui gêne la transmission). Mais il ne prévoit aucune interaction entre l’émetteur et son unique destinataire. Il se fonde en outre sur des messages simples.

2. Le modèle de Lasswell

a) L’inspiration

Harold Dwight Lasswell (1902-1978) est un psychiatre et un politologue états-unien. Il reprend le cadre rhétorique que, selon Quintilien (Ier siècle), tout orateur doit prendre en compte pour écrire son discours : « Qui, dit quoi, par quel canal, à qui et avec quel effet ?« .

b) Le modèle

Le modèle repose sur :

  • L’analyse psychosociologique du milieu dans lequel a lieu la communication (qui ? À qui ?).
  • Une prise en compte des médias, c’est-à-dire des moyens de diffusion de la communication.
  • Une analyse des procédés rhétoriques et de leur effet.

c) Portée et limites

La communication est conçue comme un processus d’influence. Le modèle permet donc assez bien d’analyser la communication de propagande ou la communication publicitaire. Néanmoins, aucun retour de l’émetteur vers le récepteur n’est envisagé. Le récepteur reste selon ce modèle assez passif et sa psychologie est simplifiée.

3. Le modèle de Jakobson

a) L‘inspiration

Roman Jakobson (1896-1982) est linguiste. Son modèle se centre sur le message et les fonctions qu’il remplit (fonctions du langage).

b) Le modèle

Le modèle est composé de six éléments : le destinateur, le message, le destinataire, le contexte ou réfèrent (ce sur quoi porte le message), le code et le contact.

Le modèle de Jakobson


c) Portée et limites

Ce modèle permet d’éclairer les intentions de la communication (fonctions du langage) mais est encore dépourvu de la notion de rétroaction et ne prend pas en compte l’importance du canal ou du média.

La remise en cause des modèles mécanistes : les modèles systémiques

1. Science mécaniste versus cybernétique

a) Le mécanisme

Les précédents modèles sont inspirés du behaviourisme qui est une philosophie mécaniste selon laquelle les phénomènes psychologiques s’expliquent de manière simple par un enchaînement linéaire de causes et d’effets, à la manière du fonctionnement d’une mécanique. Cette philosophie est réductrice et s’applique mal aux phénomènes humains.

b) La cybernétique

À partir de 1947, sous l’impulsion de Norbert Wiener (1894-1964), se développe la cybernétique, science qui étudie la circulation de l’information dans les systèmes autorégulés. La cybernétique met en lumière une causalité circulaire (ou feedback) et la capacité qu’a un système d’évoluer de lui-même grâce à la circulation de l’information en son sein. Cette science inspire les courants décrits ci-après ou influe fortement sur eux.

2. L’école de Palo Alto

a) L’école

Sous le nom d’école de Palo Alto (ville de Californie) ou de « collège invisible », se réunit, à partir de 1950, un groupe de chercheurs pluridisciplinaires (psychiatres, sociologues, anthropologues) dont les plus célèbres sont Gregory Bateson, Edward Twitchell Hall, Erving Goffman, Ray Birdwhistell, Paul Watzlawick. Ceux-ci présentent la communication comme un processus complexe qui doit être abordé par les sciences humaines.

b) Les apports à la théorie de la communication

Les apports essentiels de l’école de Palo Alto à la théorie de la communication sont les suivants :

  • La communication est une activité sociale permanente ; elle est le processus par lequel la culture se réalise (se réactualise et se renouvelle).
  • La communication sert plus à intégrer, à dire que l’on appartient à la même communauté (fonction intégrative), qu’à informer.
  • La communication n’est pas seulement verbale ; elle met notamment en jeu le comportement (kinésique) et la position du corps dans l’espace (proxémique).
  • La communication ne se résume pas à l’acte intentionnel de communiquer : « On ne peut pas ne pas communiquer » (Watzlawick).

3. Le structuralisme

a) Définition

Le structuralisme est un courant de pensée qui traverse l’ensemble des sciences humaines depuis le début du XXᵉ siècle. Il s’inspire de la linguistique de Ferdinand de Saussure (1857-1913) qui considère la langue comme un système de signes interdépendants. La langue est une structure préexistante qui s’actualise dans le discours (réalisation individuelle d’énoncés). Étendue à l’ensemble des sciences humaines, la structure désigne une organisation cachée et inconsciente qui régit les relations des éléments qui la constituent. Ce concept permettrait d’expliquer, par l’existence d’une structure universelle de la société humaine, l’organisation particulière de chaque société, les différentes cultures et les structures symboliques du psychisme individuel.

b) Apports du structuralisme à la théorie de la communication

Roland Barthes (1915-1980) a contribué dans les années 1970 à substituer l’analyse du discours à l’analyse de contenu jusque-là pratiquée. Alors que l’analyse de contenu se fonde sur l’analyse qualitative et quantitative des composants du message. L’analyse de discours fait dépendre l’interprétation de l’énoncé de sa structure et de son rapport avec la structure psychosociale dans laquelle il a été produit.

L’approche structuraliste fait de la communication un système social central qui contribue à la reproduction des rapports sociaux. La communication de masse exerce, selon Louis Althusser (1918-1990), une violence symbolique sur l’individu.

c) Le systémisme

Le structuralisme et la cybernétique sont le fondement du systémisme et de la pensée complexe. Alors que le structuralisme décrit une structure préexistante et ses différentes réalisations et a donc une approche fixiste des réalités humaines, le systémisme étudie les dynamiques de transformation qui opèrent à l’intérieur même des systèmes.

4. L’école de Francfort

a) L’école

Les philosophes allemands Theodor Adamo (1903-l969), Max Horkheimer (1895-1973) et Jürgen Habermas (1929) forment le noyau de cette école de pensée dont l’objectif est la fondation d’une théorie critique qui permette de dénoncer la faillite de la culture bourgeoise et sa marchandisation.

b) Les idées principales

La marchandisation des biens culturels aboutit à leur standardisation ; la massification de la communication aboutit à la standardisation des individus.

« L’agir communicationnel » (Habermas), qui va de la simple conversation à l’échange scientifique, permet de définir par consensus les valeurs communes (morale) et s’oppose à l’agir stratégique qui cherche l’efficacité à court terme, le succès immédiat, l’influence.

5. Dernières évolutions

a) La revalorisation du rôle du récepteur

Les dernières recherches donnent plus de place au récepteur dont le rôle a souvent été minimisé dans les précédentes théories. Dans L’invention du quotidien, Michel de Certeau (1925-1986) montre comment l’individu, par son « bricolage » et son « braconnage », s’empare de manière originale et souvent inattendue de ce que lui impose l’appareil médiatique.

Les théories de la réception élaborées à la suite des travaux de Hans Robert Jauss ( 1921-1997) et de Wolfgang lser (1926-2007) construisent le modèle d’un récepteur qui ne se contente pas de recevoir le message et de le décoder comme l’émetteur le souhaite, mais qui l’interprète en fonction de la situation d’émission, de ses compétences psycho-socioculturelles et langagières et de l’image qu’il se fait de l’émetteur.

b) La revalorisation du rôle du média

La médiologie est une méthode de recherche inspirée par le philosophe Régis Debray (1940). Elle étudie les productions humaines (art, religion, doctrine, discipline scientifique, pratiques…) en relation avec les structures dans lesquelles elles naissent (académie, église, parti politique, université…) et les systèmes techniques de communication qu’elles utilisent (diffusion, archivage). La médiologie réintroduit ainsi le média dans la communication. Elle étudie comment la création d’un nouveau média influe non seulement sur les messages, mais aussi sur les comportements et les mentalités et, à l’inverse, comment une culture « suscite, assimile ou modifie une innovation technique« .