En 1963, le linguiste Roman Jakobson définit les fonctions du langage, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles l’homme recourt au langage. Complété dans les années 1970 par les théories des actes de langage, le cadre ainsi défini peut s’appliquer à l’ensemble de la communication.

Les fonctions du langage définies par Jakobson

1. Description

Le linguiste Roman Jakobson définit six fonctions du langage, chacune centrée sur un des éléments du schéma de la communication.

fonctions du langage définies par Jakobson

2. L’utilisation dans les messages publicitaires

Les messages publicitaires mettent en œuvre bien évidemment l’ensemble de ces différentes fonctions, de manière combinée. Ils peuvent parfois en utiliser de manière dominante.

a) Le message expressif

Le message expressif met en avant l’émetteur, l’image qu’il veut donner de lui, son système de valeurs. Cela correspond à ce que la rhétorique classique appelle la preuve éthique. La communication institutionnelle ou corporate produit souvent ce type de message porté sur l’émetteur. L‘annonceur peut également utiliser une autre personne célèbre ou reconnue (une star, un expert…) pour être son porte-parole ou son ambassadeur et placer sa communication sous l’autorité de cette dernière : on reconnaît ici le fameux argument d’autorité.

Exemple : dans un visuel, Novotel fait porter son message clairement sur l’annonceur et vante son expertise. « Pour organiser une réunion pro, le mieux c’est de demander à des pros », « expert en organisation « , et son professionnalisme… Cette communication vise à donner une image positive de soi.

b) Le message impressif

Le message impressif met la cible en valeur en l’interpellant, notamment au moyen d’impératifs ou d’interrogations, ou en la mettant indirectement en scène. Ce type de message est employé soit pour valoriser les performances du produit, les bénéfices que peut en tirer l’émetteur, soit pour valoriser la cible en lui montrant que le produit satisfait ses besoins et ses motivations, soit encore pour créer ou renforcer un lien affectif entre le produit et la cible.

Exemple : dans un visuel du Crédit Agricole, la cible est directement interpellée par des impératifs à la deuxième personne : « Souriez, vous pouvez enfin être propriétaire ».

c) Le message référentiel

Le message référentiel porte sur le produit à promouvoir, il le met en scène, le décrit. Ce type de message permet d’être purement informatif ou de transfigurer le produit en le magnifiant.

Le message référentiel

Exemple : dans ce visuel de L’Oréal, le message porte clairement sur le produit (le référent). Celui-ci (Code Jeunesse) se distingue aisément de l’annonceur (L’Oréal). Des informations sont données à son propos : sa nouveauté, sa promesse et surtout le fait qu’il est issu d’un long travail de recherche.

d) La fonction phatique

L’objectif premier est de créer le contact pour que le message soit vu. Le procédé le plus employé est celui du regard du mannequin qui appelle celui du récepteur. L’originalité du visuel peut jouer également cette fonction.

Exemple : dans le visuel de Dior pour Dior Homme, la fonction phatique apparaît de façon dominante. Le regard de l’égérie (Jude Law) est directement dirigé vers le spectateur et crée ainsi le contact.

La fonction métalinguistique

La fonction métalinguistique est plus rare dans la publicité. Elle peut néanmoins être utile pour donner le nom d’un produit, ou expliquer comment prononcer le nom d’une marque à consonance étrangère.

Exemple : dans un spot télévisé pour la marque Stoeffler, un grand-père marseillais est repris par son petit-fils parce qu’il ne sait pas prononcer le nom de la marque des tartes flambées qu’il apprécie. Le slogan est « Je ne sais pas le dire, mais je le mange bien », néanmoins, le spot nous informe de la manière de prononcer le nom de la marque.

Les messages poétiques

Dans le flot incessant des publicités, il faut attirer l’attention de la cible en lui proposant des publicités agréables, voire belles. Il faut donc soigner la qualité du message et avoir recours ‘a la fonction poétique. Celle-ci est mise au service de la fonction phatique, mais elle peut servir aussi à magnifier le produit en le faisant accéder à une dimension onirique.

messages poétiques

Exemple : dans ce visuel de Thalys, la qualité du message en lui-même est particulièrement soignée. La communication s’articule ici autour de la personnification d’une cigogne qui préfère prendre le train plutôt que de voler de ses propres ailes. Le message devient ainsi plaisant : imaginatif et drôle.

Les autres fonctions du langage

On peut définir des fonctions plus particulières du langage, notamment dans les situations liées au travail et à la publicité.

1 – Les fonctions du langage au travail

Au travail, l’utilisation du langage répond à trois fonctions essentielles :

  1. Une fonction instrumentale : il est utilisé pour répartir les tâches, établir des procédures, indiquer des finalités, donner un sens à l’action.
  2. Une fonction cognitive lorsqu’il s’agit de transmettre des savoirs, de formuler des problèmes et leur solution.
  3. Une fonction sociale en permettant de construire et de maintenir les rapports sociaux. Dans ce cadre-là, le langage peut se teinter de spécificités argotiques ou rituelles qui permettent la reconnaissance au sein d’un groupe, un sentiment de communauté ou de corporation. Un tel langage est appelé jargon.

La connaissance de ces trois fonctions et de la manière dont elles sont employées au sein de l’entreprise est une des clés de la réussite de la communication interne.

2. Les fonctions de la communication
publicitaire

Outre l’utilisation que fait la publicité des fonctions du langage, on peut établir un rapport assez étroit entre ces dernières et les finalités de la communication à des fins commerciales, que celle-ci passe par le langage ou par l’utilisation des codes de l’image et des sans.

On peut en effet assigner quatre fonctions essentielles à la communication commerciale :

  1. Une fonction phatique : dans le flot d’informations et de messages dont nous sommes assaillis, il s’agit d’attirer l’attention de la cible, et, pour reprendre un ancien terme de rhétorique, de capter sa bienveillance.
  2. Une fonction cognitive : l’annonceur veut faire connaitre son produit, sa marque, son activité. Cette fonction recoupe assez bien la fonction référentielle de Jakobson.
  3. Une fonction affective : l’annonceur veut faire aimer son produit, sa marque, son activité. Il s’adresse aux sentiments conscients et inconscients de sa cible. Cette fonction recoupe en partie la fonction conative ou impressive de Jakobson, et la fonction poétique, qui ici est instrumentalisée aux fins de plaire, de faire naître des évocations liées à l’univers du produit, d’attirer l’attention ou de favoriser la mémorisation (voir par exemple le fameux « Dubo, Dubon, Dubonnet »).
  4. Une fonction conative qui vise à faire agir la cible, à lui faire accomplir l’acte d’achat. Cette fonction de la communication publicitaire est moins étendue que la fonction conative du langage selon Jakobson : elle n’en retient que l’aspect incitatif.

Plus rarement, la communication commerciale jouera sur la fonction expressive : c’est pourtant le cas dans les messages d’autopromotion, de valorisation de la marque plutôt que du produit, de construction d’une image de marque. Dans tous les cas, tout comme la fonction poétique est subordonnée dans la communication commerciale à la fonction affective, la fonction expressive sera subordonnée soit à la fonction cognitive, soit à la fonction conative.

La communication commerciale se caractérise en effet par la hiérarchisation et l’instrumentalisation conscientes, voulues et systématiques des fonctions, et donc des ressources du langage. Les fonctions du langage sont mises au service de la communication commerciale. On obtient ainsi ls équivalences suivantes :

Les fonctions de la communication publicitaire

Les actes de langage

1. La typologie des actes de langage

Depuis les années 1970, à la suite notamment des travaux des linguistes J.L. Austin et J.R. Searle, l’utilisation du langage est étudiée comme un acte : « Dire, c’est faire. » L’étude des actes de langage s’appelle la pragmatique. Austin distingue trois sorts d’actes de langage.

a) Les actes locutoires

Ils consistent à dire quelque chose. L’énoncé ou contenu du message peut être faux, mais l’énonciation est irréfutable.

Exemple : « Il fait beau ».

b) Les actes illocutoires

Ils désignent les actes locutoires qui manifestent l’intention de celui qui les produit. Ces actes peuvent être assertifs (ils affirment quelque chose), expressifs (ils expriment les sentiments de l’énonciateur) ou persuasifs (ils cherchent à convaincre).

Exemple : « Je dis qu’il fait beau ».

c) Les actes perlocutoires

Ce sont des actes illocutoires qui produisent un effet.

Exemple : « Ferme la porte » est un acte illocutoire persuasif. Il devient perlocutoire s’il convainc le récepteur de fermer la porte.

Certains de ces actes contiennent en eux-mêmes l’effet qu’ils produisent.

d) Acte de langage versus contenu de l’énoncé

Dans certains cas, l’acte d’énonciation et le contenu logique de l’énoncé peuvent être en opposition.

Exemple : Dire « Je vous interdis de penser aux vacances » induit le résultat contraire au contenu logique de l’énoncé.

La perception des actes de langage

a) La théorie des faces

Ces actes de langage peuvent être perçus par l’émetteur tout comme par le récepteur comme des agressions. De récentes recherches (P. Brown et S. Levinson) ont mis à jour la notion de face : les interlocuteurs sont soucieux au cours d’une conversation de « sauver la face » ou de « ne pas perdre la face ». Brown et Levinson distinguent deux faces complémentaires :

  • La face négative, qui est l’ensemble des territoires du moi : corporel, spatial, temporel, matériel, symbolique.
  • La face positive, qui est constituée par les images positives que les interlocuteurs ont ou veulent avoir d’eux-mêmes et veulent imposer aux autres.

b) L’importance des faces dans la communication

Dans la communication, chacun cherche à accroître son territoire ou au minimum à le préserver. Cependant, l’interaction des actes de langage contrarie ce désir de face.

On peut distinguer alors des actes menaçants ou ds actes gratifiants pour les faces.

Un même acte peut relever de plusieurs catégories en même temps : un ordre ou un conseil peuvent gratifier la face positive de celui qui l’émet et rabaisser celui qui les reçoit.

Le contexte interpersonnel, social et culturel joue un rôle capital dans la compréhension de la valeur d’un acte de langage. Ainsi un conseil peut être analysé comme valorisant pour le récepteur dans un contexte d’apprentissage ou comme dégradant dans un contexte d’égalité des interlocuteurs.

c) La politesse

Certaines cultures donnent plus d’importance à la face positive (code de l’honneur, peur de la honte…), d’autres valorisent la face négative (souci de la préservation du territoire, de l’intimité…). Il revient aux règles de la politesse d’atténuer l’aspect menaçant des actes de langage.