Les stratégies de domaine (business strategies) portent sur le choix des domaines d’activités stratégiques. Elles sont essentielles car elles déterminent les combinaisons d’armes concurrentielles sur lesquelles l’entreprise va s’appuyer. Elles définissent notamment les avantages concurrentiels à utiliser au sein de chaque domaine d’activité. Ces avantages concurrentiels sont décisifs s’ils sont durables, c’est-à-dire s’ils ne peuvent être copiés ou érodés par l’action des concurrents et si l’évolution de l’environnement économique ne les rend pas obsolètes. Trois stratégies de domaine sont envisageables :la domination par les coûts, la différenciation et la focalisation.

La stratégie de domination par les coûts

1. Le choix d’une stratégie de domination par les coûts

La stratégie de domination par les coûts consiste à devenir le fabricant ayant les coûts les plus faibles. L’objectif de l’entreprise est de conquérir le marché par de meilleurs prix tout en étant très rentable.

Cette stratégie conduit souvent à une production ou à une distribution de masse en grande série de façons à atteindre la taille suffisante ou taille critique. Cette dernière permettra, en effet, de générer des économies d’échelle et de bénéficier d’effets d’expérience.

2. Les moyens pour dominer par les coûts

a) La recherche de la taille critique

Pour mener à bien une stratégie de domination par les coûts, l’entreprise doit tenter d’atteindre sa taille critique. Cette dernière constitue la dimension minimale qu’elle doit avoir pour s’introduire, survivre ou se développer sur un marché. On parle aussi de « masse critique » ou de « seuil dimensionnel« . Si la taille critique n’est pas atteinte, l’entreprise n’a pratiquement aucune chance de succès sur ce marché puisqu’elle ne pourra accéder aux technologies ou aux actions commerciales nécessaires pour réussir.

b) La recherche d’économies d’échelle

L’entreprise réalise des économies d’échelle lorsqu’elle parvient à diminuer son coût de production unitaire du fait de l’augmentation de la quantité produite ou distribuée. Ce phénomène s’explique par la répartition des charges fixes sur un nombre d’unités produites ou distribués plus grand. En diminuant son coût de revient unitaire, l’entreprise améliore sa rentabilité et donc ses chances de succès. Elle sera par conséquent en meilleure position pour se confronter à ses concurrents et les dominer grâce à ses coûts plus faibles.

Les économies d’échelle se font souvent grâce à des synergies obtenues quand la complémentarité ou la coopération entre plusieurs ressources permet une plus grande efficacité. En effet, l’entreprise est plus qu’une juxtaposition de ressources, elle est un ensemble cohérent où les différents potentiels sont interdépendants et doivent se combiner, se compléter.

En mettant en œuvre toutes les synergies possibles, l’entreprise améliore son efficacité, sa rentabilité et sa compétitivité.

c) L’apport de l’effet d’expérience

L’expérience représente les compétences et les connaissances acquises par une pratique prolongée d’une activité donnée. Dans une entreprise, l’effet d’expérience se traduit par le fait que la pratique engendre ds mécanismes et des savoir-faire qui permettent de déjouer certains pièges et d’acquérir plus de dextérité. L’effet d’expérience permet d’améliorer la productivité de l’entreprise grâce à une meilleure habileté, une meilleure formation des salariés, des technologies, du matériel et une organisation du travail plus efficients.

3. Les limites de la domination par les coûts

La stratégie de domination par les coûts a ses limites car :

  • Elle provoque une contre-attaque des concurrents qui chercheront à leur tour à réduire leurs coûts.
  • Elle n’est, en général, pas applicable par toutes les entreprises du secteur. En effet, toutes les entreprises n’ont pas l’expérience suffisante ou les ressources nécessaires pour mettre en place des investissements permettant d’accéder à des moyens performants et d’atteindre la taille critique indispensable à la domination parles coûts.
  • De plus, ce n’est pas parce que les coûts sont abaissés que le prix va l’être et que le consommateur peut en profiter. Dans certains cas, l’entreprise peut profiter de la rationalisation de ses coûts pour augmenter ses marges et accroître son bénéfice.

La stratégie de différenciation

1. Le choix d’une stratégie de différenciation

a) Qu’est-ce que la stratégie de différenciation ?

La stratégie de différenciation consiste à proposer aux clients des produits et des services ayant des caractéristiques différentes, mieux adaptées aux besoins, que celles qu’offrent les concurrents. Cela peut souvent permettre de demander un supplément de prix.

Cette stratégie permet à une entreprise de faire face à la concurrence en se basant sur les caractéristiques de ses produits. Par exemple, grâce à des innovations techniques ou commerciales, les produits peuvent avoir des caractères distinctifs par rapport à ceux des concurrents. Ils donneront donc une bonne position concurrentielle à l’entreprise, qui sera également moins menacée par les produits de substitution.

b) Les objectifs stratégiques de la différenciation

La différenciation a un effet d’attraction de la clientèle vers le produit ou la gamme de produits de l’entreprise. Elle permet une communication spécifique en fonction du segment de clientèle visé. Par ailleurs, elle limite la concurrence. Dans le meilleur des cas, quand l’entreprise produit et/ou commercialise un produit issu d’une innovation qu’elle a brevetée, elle peut avoir un monopole temporaire sur le marché. Dans les autres cas, la différenciation va rendre les comparaisons directes avec les concurrents plus difficiles et mettre en valeur le produit de l’entreprise.

2. Les différents types de différenciation

Une entreprise peut différencier ses produits par rapport à ceux de la concurrence de différentes manières :

  • Par la marque (exemples : produits pharmaceutiques, produits de luxe).
  • Par les caractéristiques techniques du produit (exemple : une innovation technique qui confère des performances particulières).
  • Par les services liés au produit (exemples : les garanties, le SAV).
  • Par le conditionnement (exemple : la mise en place d’un packaging plus pratique).
  • Par les actions commerciales (exemple : un mode de distribution ou de communication spécifique aux produits de l’entreprise).

Plusieurs de ces éléments ou la totalité d’entre eux peuvent être utilisés conjointement pour se renforcer mutuellement et dégager des synergies.

3. Les limites de la différenciation

La stratégie de différenciation connait certaines limites :

La différenciation doit être suffisamment évidente pour convaincre les clients potentiels d’y adhérer et d’accepter de payer un supplément de prix. Selon les marchés, ce n’est pas toujours possible.

Une entreprise peut être contrainte d’offrir un produit différencié au même prix que ceux des concurrents dans la mesure où les consommateurs ne sont pas prêts à payer un supplément de prix pour ce type de produit. La différenciation lui permettra alors de garder ses parts de marché, mais pas d’obtenir un supplément de prix.

La stratégie de focalisation

1. Le choix de la stratégie de focalisation

La stratégie de focalisation présentée par M. Porter en 1980 consiste à éviter la confrontation directe avec les entreprises déjà présentes sur l’ensemble du marché en se focalisant sur un marché spécifique ou sur une zone géographique étroite.

Cette stratégie peut s’avérer être la moins couteuse et la moins risquée pour un nouvel entrant sur un marché car elle réduit les coûts d’entrée et les risques de représailles des entreprises déjà présentes. En effet, en montrant des ambitions limitées, le nouvel entrant peut ne pas déclencher de réactions adverses agressives.

Exemple : l’entreprise Benetton a mis en œuvre une stratégie de focalisation pour pénétrer le marché de la restauration rapide grâce à sa filiale Autogrill. Autogfill s’est, au départ, contenté de déployer ses restaurants exclusivement le long des principales autoroutes françaises. Ce marché de petite taille n’intéressait pas les grandes entreprises de la restauration rapide en France.

La stratégie est optimisée par rapport à un segment très particulier. L’entreprise cherche à avoir un avantage concurrentiel sur ce segment à défaut de pouvoir l’avoir sur l’ensemble du secteur.

2. Les formes de focalisation passibles

a) La focalisation sur un marché

La focalisation peut avoir lieu sur un marché spécifique. Il s’agit alors de s’intéresser à un segment du marché sur lequel la clientèle a des besoins spécifiques que l’entreprise pourra satisfaire mieux que ses concurrents du fait de sa maîtrise des facteurs clés de succès liés.

Exemple : une entreprise du secteur automobile ayant les compétences nécessaires peut se focaliser sur le segment des véhicules spécialisés pour les personnes à mobilité réduite ou sur celui des véhicules sans permis (comme Microcar).

b) La focalisation géographique

La focalisation géographique consiste à se concentrer sur une localisation géographique très spécifique. En ne s’intéressant qu’à un certain nombre de zones géographiques, une entreprise peut s’implanter sur un marché sans se confronter directement aux grandes entreprises en place. Cela lui permet de se protéger de la concurrence, en proposant une offre très différenciée.

La zone géographique peut être choisie en fonction de critères comme sa qualité esthétique (essentielle pour les activités touristiques, par exemple), les activités qui s’y trouvent (proximité des fournisseurs, réseau de sous-traitants, etc.), la qualité de l’environnement ou la proximité culturelle et linguistique. Le choix peut aussi prendre en compte l’image forte que peut véhiculer la zone géographique d’implantation choisie.

Exemple : certains lieux sont adaptés au haut de gamme, comme les Champs-Élysées à Paris, d’autres à une certaine catégorie de produits, comme la Provence pour les senteurs florales telles que celles de la lavande.