L’information est transmise au moyen d’un code, au langage, qui substitue aux objets réels ou aux idées des signes qui leur correspondent. Les systèmes structurés de signes sont décrits par la sémiologie. La
pragmatique concerne le traitement de l’information : son élaboration et son interprétation.
La sémiologie : les signes, le signifiant, le signifié
1. Définitions
Le signe établit une correspondance entre un signifié (monde des objets et des idées) et un signifiant (monde du langage). Il existe trois sortes de signes :
- L’indice est un signe encore attaché à l’objet. C’est un élément essentiel de la communication non verbale.
Exemple : la fièvre est l’indice (ou symptôme) d’une infection. Le ronron du chat est l’indice de sa satisfaction.
- L’icône est un signe détaché de l’objet mais qui le représente de manière figurée, qui lui ressemble (on dit que le signe est motivé).
Exemple : pictogrammes, icônes de l’ordinateur, panneaux routiers.
- Le symbole est un signe détaché de l’objet et qui ne partage avec lui aucun point commun (on parle de signe arbitraire).
Exemple : le feu rouge est un signe arbitraire pour indiquer l’arrêt,
de même que la colombe représente l’idée de la paix.
2. La polysémie
À l’intérieur d’un même code ou système, un signe peut avoir plusieurs signifiés : on parle de polysémie. C’est le contexte qui indiquera le sens à retenir.
Exemple : le fonds de commerce inscrit au bilan n’est pas l’arrière d’un magasin.
3. Les systèmes
Les signes sont souvent organisés en systèmes. Les codes sont des systèmes de signes. Dans un système, chaque signe est distinct des autres et acquiert sa signification par opposition aux autres.
A
Exemple : alors qu’ils ont des traits communs, la table n’est pas un bureau.
Un même signe a des significations différentes en fonction du système auquel il appartient. Aussi, pour interpréter correctement un signe, il est nécessaire de le placer dans un système auquel il appartient.
Exemple : la couleur jaune est associée à la noblesse dans la culture chinoise, mais elle connote la lâcheté aux États-Unis.
4. Relations entre les signes
Le message est le produit de la mise en relation des signes les uns avec les autres. On remarque deux types de relations : les relations paradigmatiques et les relations syntagmatiques.
a) Les relations paradigmatiques
Un paradigme est un ensemble constitué des unités substituables dans un contexte donné. On parle d’axe paradigmatique. Dans une relation paradigmatique, l’élément présent dans l’énoncé est opposé à tous les éléments absents qui auraient pu lui être substitués. « Le chat », « le félin » ou « Minou » sont trois signifiants différents qui désignent le même signifié : ils sont synonymes. Néanmoins, le choix d’un de ces signifiants par rapport aux autres est significatif, du fait des connotations attachées à chaque mot.
Exemple : la phrase « Jacques est un gratte-papier » ajoute une nuance de mépris à la phrase « Jacques est un employé de bureau » qui a pourtant la même signification. Le signifié exact se trouve donc par opposition aux signifiés des signifiants qui ont été écartés. La substitution d’un terme à un autre sur l’axe paradigmatique est donc porteuse de signification.
b) Les relations syntagmatiques
Un syntagme est une séquence d’unités de longueur variable (mot, groupe de mots, proposition, phrase). Les relations syntagmatiques concernent les éléments mis en présence dans un même énoncé. On parle d’axe syntagmatique. Le sens peut varier en fonction de la place du signe sur l’axe syntagmatique.
Exemple : lors qu’une phrase comme « Le chat / a mangé / la souris » ressortit à une situation banale, la phrase « La souris / a mangé le chat » renvoie à un univers fantastique. « La souris / est mangée par le chat » a la même signification, à ceci près que l’accent est mis sur la souris.
La pragmatique et le traitement de l’information
La pragmatique est la science qui vise à interpréter les messages en fonction de leur contexte et qui interprète le sens des énoncés en tenant compte de leur situation d’énonciation.
1. L’importance du contexte : dénotation
et connotation
a) Définition
La dénotation désigne le lien qui unit le signifiant à un référent signifié. Elle est donnée par la définition du dictionnaire. Peut s’y ajouter un autre type de relation entre le signifiant et le signifié : la connotation. Celle-ci ne change rien à la signification dénotée du référent ou dénotation. Elle se superpose éventuellement. Son interprétation relève de la stylistique, de la psycho- ou de la socio-linguistique.
Exemple : le mot « char » employé au Québec a un sens dénoté de « véhicule à quatre roues muni d’un moteur », mais utilisé en France, s’y ajoute une connotation de l’origine québécoise du locuteur. Une copie d’examen mal présentée, négligée, connote un manque de soin ou d’attention.
b) Importance des connotations
Les connotations peuvent ajouter au signifiant des signifiés liés à l’origine du locuteur (régionalisme), au registre de langue et/ou à l’appartenance sociale, à l’archaïsme, à la mélioration ou à la péjoration, aux sentiments et/ou aux convenances.
Exemple : « Un vieux » / « une personne âgée » / « un senior » / « un vieillard » connotent des intentions différentes.
Les connotations dépendent du contexte : la connotation se fait ainsi souvent ressentir par l’écart que le signifiant employé représente par rapport au signifié attendu.
Exemple : la tenue attendue costume-cravate dans une banque ne connote rien de particulier. Portée lors d’une réunion informelle, elle connote le refus de céder à la familiarité.
Un même signifiant peut cumuler pour la même dénotation plusieurs connotations.
Exemple : le mot « caisse » employé pour désigner une voiture connote à la fois la familiarité et la péjoration.
2. Du côté de l’émetteur : l’élaboration d’énoncés complexes
a) La modalisation
Un émetteur peut manifester une attitude particulière par rapport au message qu’il produit et en changer ainsi la signification profonde. Il peut insister sur sa véracité ou au contraire le mettre en doute ou encore montrer qu’il le rejette. La manifestation de cette attitude de l’émetteur par rapport à son message s’appelle la modalisation. Pour interpréter un message, on s’attachera à repérer :
- Les modalités par lesquelles l’émetteur exprime son degré de certitude par rapport au contenu du message.
Exemple : « Peut-être », « serait », « à coup sûr », « certainement ».
- Les modalités par lesquelles l’émetteur exprime son sentiment par rapport au message. Dans le cas de l’ironie, l’émetteur peut indiquer à l’aide de divers moyens (exagération, antiphrase, mimiques, intonation…) qu’il faut comprendre le contraire de ce que le message semble signifier au premier abord.
Exemple : la campagne publicitaire lancée par l’Office national du tourisme tunisien pour relancer l’activité à la suite des événements révolutionnaires de la fin 2010 joue sur la mise à distance ironique du discours ambiant concernant l’état du pays avec par exemple le slogan « On raconte que la Tunisie est un champ de ruine » accompagnant une vue de ruines antiques. L’image confirme le propos rapporté dans le slogan, mais en donnant un sens positif au mot ruine, en décalage complet avec les préjugés qu’il véhicule. Il faut donc comprendre le slogan à l’inverse de ce qu’il semble signifier au premier abord.
Les lapsus ou les signes de nervosité peuvent trahir un discours qui se veut maîtrisé.
b) L’implicite et l’explicite
Le sens d’un énoncé ne tient pas seulement à la signification littérale des mots qui le composent et qu’analyse la sémiologie, mais aussi à la situation dans laquelle il est produit. En effet, un même énoncé n’a pas la même signification suivant le contexte dans lequel il est produit. Dans certains cas, sa signification réelle n’est pas énoncée, on dit qu’elle est implicite. Pour être interprété, le message nécessite alors de la part de l’interprétant un certain nombre d’opérations.
Exemple : pour comprendre la phrase : « Je dois dormir tôt ce soir »
comme une réponse négative à la question : « Veux-tu un café ? », il faut :
- Mobiliser un savoir encyclopédique : le café empêche de dormir.
- Faire intervenir la logique. Ici une relation d’ordre temporel et causal.
- Penser que la phrase est effectivement une réponse à la question.
Ainsi, le contenu explicite des messages doit-il souvent être complété par un contenu implicite.
Exemple : une phrase comme « Maman est sortie de l’hôpital » peut se comprendre de trois manières :
- Contenu explicite, posé : « Maman n’est plus à l’hôpital ».
- Contenu implicite présupposé : « Maman était à l’hôpital ».
- Contenu implicite sous-entendu : « Tu devrais aller la voir ».
3. Du côté du récepteur : l’interprétation des signes
a) Le triangle sémiotique
La correspondance entre le signe et l’objet n’est donc pas forcement évidente, naturelle ou nécessaire. En réalité, elle est toujours établie par un interprétant.
Exemple : un rire peut être perçu différemment par différents interprétants : connivence, ironie, moquerie…
L’interprétant décode le signe en fonction de ce qu’il connaît du code, mais aussi de sa culture, de ses représentations, de ses valeurs et de ses motivations (raisons pour lesquelles il s’intéresse ou non aux signes). L’interprétant trie ce qui, selon sa culture, sa nature ou sa motivation fait signe et qu’il juge pertinent. Il ignore tous les autres signes ou les considère comme du bruit (élément qui perturbe la communication). Pour bien communiquer, il est donc nécessaire de susciter son intérêt.
Exemple : les visuels de la campagne de l’office du tourisme de Tunisie associés à leurs slogans présentent des jeux mots qui retiennent l’attention de qui a suivi les événements. Pour qui n’aurait pas été informé, reste la force des visuels.
Un signe se définit donc par la mise en relation par un interprétant d’un signifiant et d’un signifié. La relation entretenue par le signifiant, le signifié et l’interprétant forme ce que Peirce a nommé le triangle sémiotique.
b) Les limites du traitement de l’information et l’importance du récepteur
Par suite de la complexité de la tâche de l’interprétation, le décodage parfait du message n’est jamais garanti. Dans la plupart des situations de communication, on observe une distorsion du contenu du message entre son encodage et son décodage : malentendus, faux-sens, contresens, incompréhension… Le communicant veillera donc à adapter son message a la motivation et aux compétences de la cible censée l’interpréter.
Il faut donc bien distinguer un sujet destinataire idéal qui correspondrait à l’image que s’en fait l’émetteur et qui comprendrait le message comme ce dernier le souhaite, d’un sujet interprétant avec une identité psycho-socio-culturelle propre. Ce dernier recourt pour interpréter le message a des inférences diverses (induction, déduction, conformité ou non de l’énoncé par rapport aux attentes…), à l’analyse du contexte (situation d’énonciation, image du récepteur…), à son système de valeurs.
Du bon usage des signes
1. Le principe de coopération
Selon H. P. Griee ou O. Ducrot, tout être raisonnable se conforme, pour produire ou interpréter un message, à un principe général de coopération avec les autres, valable pour toute situation de communication, et qui
se décline en différentes règles :
- La règle de qualité : le message doit être véridique.
- La règle de quantité : le message doit contenir autant d’information que requis, ni plus, ni moins. Il doit donc être à la fois exhaustif et économe, ce qui peut entrainer parfois quelques difficultés. L’information doit en outre être précise, exacte.
- La règle de relation : le message doit être pertinent. Il doit apporter des informations que le récepteur est censé ignorer. Il ne doit contenir que des éléments censés intéresser le récepteur et éviter de l’ennuyer.
- La règle de modalité : le message doit être clair et méthodique et éviter l’obscurité, l’ambiguïté, les digressions. Il doit obéir à la logique et être cohérent.
2. Le principe de politesse
La politesse consiste à adoucir les actes de langage dans le souci de la préservation et de la valorisation des faces. Selon P. Brown et S. Levinson. Le degré de politesse varie en fonction de trois facteurs :
- La gravité de la menace potentiellement contenue dans l’acte de langage.
- La distance sociale qui sépare l’émetteur du récepteur.
- Leur relation de pouvoir.
La politesse repose sur l’usage de certaines figures de rhétorique comme l’euphémisme, la litote ou l’hyperbole.
3. Le rôle des règles dans l’interprétation
Le récepteur présuppose, pour interpréter le message, que celui-ci est conforme aux règles de la communication. En cas de transgression apparente d’une des règles de coopération, le récepteur reconstruit le message.
Exemple : un message comme : « La fenêtre est ouverte » peut sembler en contradiction avec la règle de relation car il semble m’apporter aucune information au récepteur, Celui-ci rétablit alors le sens du message en fonction du contexte : « J’ai froid, il faut fermer la fenêtre ».
De même, beaucoup d’énoncés ne sont interprétables que si l’on prend en compte l’exigence de politesse qui a influé sur leur production.