La rhétorique a longtemps étudié les figures qualifiant les usages de la langue qui s’écartent de l’usage commun. La publicité tire en grande partie sa force de la transgression que permettent ces figures.

Les figures rhétoriques

Selon Pierre Fontanier, une figure est un usage de la langue qui « s’éloigne plus ou moins de ce qui en eût été l’expression simple et commune ».

figures rhétoriques
Figures de rhétoriques, transgression et publicités
L'usage transgressif des figures de rhétorique dans la publicité

Figures de rhétoriques, transgression et publicités

1. L’usage transgressif des figures de rhétorique dans la publicité

Jacques Durand a étudié dans les années 1970 plus de mille publicités et montré ainsi qu’elles utilisaient, aussi bien dans les images que dans les slogans, l’ensemble des figures de rhétoriques dont on pensait jusque-là l’usage réservé au langage parlé et écrit.

Exemple : la publicité de Cadhoc pour le chèque cadeau (voir p. 163) est construite sur une antanaclase : l’image prend les mots « emballe » et « tout le monde » au sens propre, alors que le slogan les prend au sens figuré.
Ajoutons que le nom Cadhoc est un mot valise cadeau + ad hoc
(qui convient) et relève du calembour. Ce gout de la publicité pour les figures de rhétorique à voir, selon Jacques Durand qui s’inspire des analyses que Freud a faites des mots d’esprit, avec le désir de transgression que la communication commerciale entend satisfaire chez sa cible. La métaphore est un mensonge (un moteur ne pourra jamais être aussi léger qu’une baudruche), les codes langagiers (orthographe, syntaxe, règles d’interprétation…) sont transgressés. Mais ces transgressions sont feintes et acceptées comme telles. C’est pourquoi elles sont impunies et permettent symboliquement la satisfaction du désir. La rhétorique publicitaire remplit ainsi une fonction essentielle : procurer du plaisir (placere).

2. Les procédés publicitaires selon Joannis

Dans De l’étude de la motivation a la création publicitaire, Henri Joannis définit neuf procédés publicitaires.

a) La bisection symbolisante

Il s’agit de faire se rencontrer deux univers qui n’ont a priori rien à voir entre eux. Le sens nait de cette rencontre inattendue. Les figures de rhétorique sur lesquelles elle se fonde sont le paradoxe et l’oxymore, mais aussi les figures d’analogie comme la comparaison.

Exemple : derrière les personnes attendant le bus dans une banlieue pavillonnaire, apparait la figure de Baudelaire photographié par Nadar. Le poète est utilisé comme le représentant métonymique de la culture. Sa présence inattendue signifie bien que « la culture est partout a sa place »
(paradoxe).

La bisection symbolisante

b) L’hyperbolisation sympathique

Il s’agit de pousser l’exagération souvent présente dans les publicités à un point tel que non seulement elle devient perceptible, mais encore que cette perception provoque un certain plaisir chez la cible. Le message est alors perçu comme symbolique ou mythologique.

c) La personnalisation signifiante

Elle consiste à créer un personnage censé incarner les valeurs du produit.

Exemple : la marque La Laitiere est incarnée par un personnage directement inspiré d’un tableau de Vermeer. Limage ancienne et féminine associe au produit des valeurs de douceur et de tradition, synonymes de qualité.

d) La référence inattendue

Détournement d’une image ou d’un élément verbal connu de la cible pour en détourner le sens.

Exemple : la marque de vêtements Kookaï s’est fait remarquer par le détournement des Pietà, représentations de la Vierge tenant le corps du Christ.

e) Le concept a contrepied

On dit et on montre a la cible le contraire du message que l’on veut faire passer. Le but est d’abord d’intriguer puis de convaincre par le rejet de l’antithése.

Exemple : les visuels de la campagne de l’Office national du tourisme tunisien jouent sur l’incongruence des slogans (ex. : « Il parait qu’en Tunisie, la tension est à son comble ») et des photographies (des touristes allongés sur une plage) pour convaincre les touristes de revenir après les événements de la fin 2010.

f) La réserve spectaculaire

Le produit présenté sans aucun commentaire. La est force du visuel tient alors a son silence.

Exemple : aucune voiture n’est montrée sur ce visuel qui annonce un événement de promotion de T’innovation par la firme Audi. La marque joue sur sa notoriété et sur sa réputation. La réserve spectaculaire se double ici d’une image d’un texte énigmatique qui incitent a la lecture du et pavé textuel.

La réserve spectaculaire


g) L’expression a contre-courant

Pour attirer ‘attention, l’annonceur choisit un mode d’expression inhabituel.

Exemple : la poste a choisi une série de bandes dessinées pour ses campagnes.

L'expression a contre-courant

h) La transfiguration qualitative

L’esthétisme du message attire l’attention et renforce le message.

Exemple : le visuel du Mumm saisit d’abord par sa beauté. La poésie du visuel crée en outre un univers onirique que l’on associe au produit.

La transfiguration qualitative

i) Le suspense différé

Il relève de la méthode du teasing : un premier message crée une énigme qui ne trouve sa résolution que dans un deuxième message diffusé plus tard.

Exemple : campagne mars 2008 pour le quotidien gratuit Metro

Le suspense différé