Le droit du travail français évolue vers un droit négocié par les partenaires sociaux. Le législateur intervient pour lui donner force de loi. La négociation collective entre les représentants des employeurs et des salariés porte sur les conditions de travail, la formation professionnelle et les garanties sociales.

Les acteurs de la négociation collective

1. Les représentants des employeurs

Les employeurs peuvent participer aux négociations de façon isolée ou par l’intermédiaire de leurs groupements d’employeurs.

Exemple : le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

2. Les représentants des salariés

a) Les syndicats représentatifs

Pour être représentatifs dans l’entreprise, les syndicats doivent satisfaire à sept critères de représentativité :

  1. Respect des valeurs républicaines (exemple : garantie de la liberté d’opinion).
  2. Indépendance vis-à-vis de l’employeur.
  3. Transparence financière.
  4. Ancienneté d’au moins 2 ans.
  5. Audience suffisante (au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles).
  6. Influence caractérisée par l’activité et l’expérience.
  7. Effectifs suffisants d’adhérents et de cotisations.

b) Les prérogatives des syndicats représentatifs

Les syndicats représentatifs peuvent désigner un délégué syndical pour négocier au sein de l’entreprise. Ils peuvent conclure des conventions collectives, des accords d’intéressement et de participation, exercer des actions individuelles en justice, etc. Dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, ils bénéficient d’un local propre lorsqu’ils ont créé une section syndicale.

c) Le représentant de la section syndicale (RSS)

La loi de 2008 a créé ce nouvel interlocuteur dans l’entreprise dont la fonction est d’animer la section syndicale. Il s’agit de permettre aux syndicats n’ayant pas encore fait la preuve de leur représentativité d’être présents dans l’entreprise.

d) Le cas des entreprises dépourvus de délégués syndicaux

Dans ce cas, l’employeur peut conclure des accords collectifs avec un représentant du personnel (membre élu du comité d’entreprise ou délégué du personnel) ou, à défaut, un salarié mandaté par une organisation syndicale.

L’objet des négociations

Les textes négociés peuvent contenir des dispositions plus favorables aux salariés que les lois et règlements. On distingue la convention collective conclue entre les partenaires sociaux, traitant de l’ensemble des conditions d’emploi, de travail et des garanties sociales, et l’accord collectif qui ne traite que d’un ou plusieurs sujets déterminés dans cet ensemble (exemple : accord salarial).

Les niveaux de négociation

Chaque convention ou accord précise son champ d’application géographique, qui peut être national, régional ou départemental. Ces textes peuvent être conclus à trois niveaux.

1. Le niveau interprofessionnel

À ce niveau sont signés des accords nationaux interprofessionnels (ANI) visant à couvrir tous les secteurs d’activité et tous les emplois au niveau national, pour traiter des problèmes sociaux communs à tous les secteurs d’activité.

Exemple : ANI Complémentaire santé : depuis le 1er janvier 2016, toutes les entreprises doivent proposer à leurs salariés une mutuelle santé.

2. Le niveau de la branche

Il s’agit de conventions régissant les conditions de travail de tout un secteur d’activité (exemple : accord de branche de la chimie). Le Code du travail impose une négociation annuelle sur les salaires, une négociation triennale sur la formation, l’égalité professionnelle, la gestion de l’emploi et des compétences et le handicap, et une négociation quinquennale sur les classifications professionnelles.

3. Le niveau de l’entreprise, de l’établissement ou du groupe

Il s’agit d’adapter les règles du Code du travail aux spécificités de l’entreprise.

4. Le rôle des différents niveaux

Chaque niveau joue un rôle diffèrent :

  • Les ANI assurent la cohérence d’ensemble des différents niveaux de négociation.
  • La branche joue un rôle structurant d’encadrement et d’impulsion de la négociation d’entreprise à travers l’existence de règles communes à la profession (exemples : salaires minima, classifications).
  • La négociation d’entreprise permet la mise en œuvre des solutions tenant compte des caractéristiques et des besoins de chaque entreprise et de ses salariés.

Les procédures d’adoption

1. Les accords majoritaires

La loi relative au travail, à la modélisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels du 8 août 2016 (loi Travail) élargit le champ de la négociation d’entreprise dans les domaines de la durée du travail, des repos et des congés. Depuis le 1″ janvier 2017, la règle des « accords majoritaires » s’applique dans les entreprises pour les sujets relatifs à la durée du travail, aux repos et aux congés. Pour être valides, les accords doivent être signés par des organisations syndicales qui rassemblent plus de 50 % des suffrages. En 2019, cette règle a été étendue aux autres domaines du Code du travail.

2. La primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche

Si les 50 % n’ont pas été atteints mais que l’accord a été signé par l’employeur et des syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections, ces mêmes syndicats peuvent solliciter un référendum consistant à consulter les salariés pour valider l’accord.

Exemple : un accord d’entreprise peut déterminer un taux de majoration des heures supplémentaires inférieur à celui prévu dans l’accord de branche, à condition toutefois de respecter le minimum légal fixé à 10 %.

3. La remise en cause du principe de faveur

En droit du travail, il existait jusqu’à présent un principe de faveur dans la hiérarchie des normes. Dorénavant, les accords d’entreprise peuvent prévoir des dispositifs moins favorables aux salariés que les dispositions générales et que les accords de branche. La loi instaure donc une inversion des normes : les règles ne seront plus négociées pour tout un secteur mais entreprise par entreprise. Donc, tout ce qui relève de la durée et des horaires de travail est ouvert à la négociation dans l’entreprise.

La limite de ces négociations n’est plus fixée par la norme supérieure (l’accord de branche) mais par l’ordre public (minimum légal auquel l’accord d’entreprise ne peut déroger) défini par le législateur pour chaque thème.

Le rôle grandissant de la négociation collective

1. L’enjeu principal

Le droit négocié par les partenaires sociaux se développe car il est plus adapté aux relations sociales et aux particularités et contraintes des entreprises. La négociation collective permet d’adapter les règles du Code du travail aux réalités des entreprises dès lors qu’elle tient compte des spécificités de chaque secteur concerné. Chaque branche ou entreprise a des besoins spécifiques, ce qui ne permet pas l’application d’un droit du travail rigide commun à toutes les entreprises. Donc, si la loi prévoit un minimum applicable à tous les salariés, la négociation collective en permet des aménagements par branches, acteurs ou entreprises.

2. L’intervention de l’État

Deux procédures permettent d’améliorer les conditions de travail de tous les salariés, à partir des acquis sociaux d’une entreprise ou d’une branche déterminée. L’État intervient en effet pour donner force de loi à des textes élaborés par les partenaires sociaux.

a) L’extension

Le ministre du Travail peut décider d’appliquer des conventions à des entreprises non signataires à l’origine qui en deviennent alors bénéficiaires. Il donne ainsi force de loi à des textes élaborés par les partenaires sociaux, au niveau d’une entreprise ou d’une branche, pour améliorer les conditions de travail de tous les salariés. La procédure d’extension, décidée par le ministre du Travail, rend l’accord négocié et conclu applicable à tous les employeurs d’une profession ou d’une région.

b) L’élargissement

La procédure d’élargissement, décidée par le ministre du Travail, rend le texte applicable à des entreprises d’un secteur territorial ou professionnel diffèrent.

3. Les conséquences

a) La diffusion d’avancées sociales

La négociation collective contribue à des avancées sociales en accordant des avantages à des salariés qui se diffusent dans d’autres branches et finissent par être entérinés par le législateur. Elle permet de pallier les lenteurs et rigidités de la loi.

b) Les risques du droit négocié

La tendance du droit légal à céder le pas au droit négocié présente des risques compte tenu de la faible présence des syndicats dans les entreprises et de la recherche constante de flexibilité de celles-ci.

Un phénomène de flexicurité (contraction de « flexibilité » et « sécurité ») se développe qui est censé allier la flexibilité des entreprises à la sécurité des salariés. Les contenus qui y sont liés sont de plus en plus négociés par les employeurs et les salariés (exemple : la durée du travail).