Les mutations de l’environnement obligent les entreprises à adapter en permanence leur structure, à tel point que le changement est devenu la norme. Les configurations deviennent flexibles, ce qui déplace les frontières de l’entreprise.

Les reconfigurations structurelles

1. Les facteurs de changement structurel

Les raisons qui obligent une entreprise à faire évoluer sa structure peuvent être regroupées en quatre ensembles.

a) L’instabilité des marchés

L’instabilité des marchés oblige l’entreprise à revoir les produits qu’elle offre. Certaines activités disparaissent, d’autres montent en puissance. Des marchés sont saturés, obligeant l’entreprise à diversifier son activité. La structure suit ce mouvement.

b) Les innovations technologiques

Classiquement, les innovations technologiques sont à l’origine de nouveaux produits. Mais elles peuvent également faire émerger de nouveaux circuits de distribution.

Exemple : le développement de la vente sur Internet oblige les entreprises à revoir leur structure dans la mesure où l’accueil des clients et la fonction logistique prennent une dimension stratégique.

Les innovations peuvent aussi porter sur les processus de fabrication et l’organisation interne.

Exemple : le développement des systèmes d’information a, d’une part, fait émerger un nouveau service chargé de sa gestion et, d’autre part, modifié la façon de travailler de l’ensemble des services.

c) L’individualisation de la demande

Les demandes des clients évoluent vers davantage d’individualisation. L’entreprise doit s’organiser afin d’écouter le client (veille économique) et répondre plus rapidement que le concurrent à ses attentes.

Exemple : face à une demande de consommation de proximité, la grande distribution fait évoluer ses implantations vers les surfaces commerciales de taille moyenne au détriment de l’hypermarché.

d) Les exigences des parties prenantes

Les parties prenantes internes (salariés et actionnaires) constituent de véritables contre-pouvoirs que les dirigeants ne peuvent ignorer.

Les parties prenantes externes (clients, associations de consommateurs, groupes de pression, médias et fournisseurs) obligent l’entreprise à être plus réactive (pour répondre aux attentes des clients) et plus flexible. Face à ces pressions, les entreprises doivent adopter des Structures organiques (au sens de T. K. Burns et G. M. Stalker) ou adhocratiques (au sens de H. Mintzberg).

2. La logique de processus

a) Les caractéristiques du processus

La logique de processus est la réponse permettant d’adapter la structure à son environnement. Elle conduit le dirigeant à revoir l’ensemble de son organisation. M. Hammer et J. Champy traduisent cette tendance à travers la notion de reconfiguration (en anglais, reengineering).

En recomposant l’entreprise en processus, le dirigeant apporte un supplément de valeur à l’ensemble. Il s’agit en effet de renoncer au cloisonnement fonctionnel pour organiser l’activité en processus qui répondent aux besoins des clients.

Un processus est défini en ces termes par la norme ISO 9000 : « un ensemble d’activités corrélées et interactives qui transforment des éléments d’entrées (input) en éléments de sorties (output)« .

Exemple : dans une structure fonctionnelle, la demande d’un client peut passer par cinq services cloisonnés : commercial, gestion du stock et livraison, financement, facturation, après-vente. Dans une logique de processus, le client est en relation avec un seul interlocuteur qui gère l’ensemble de l’opération, depuis le démarchage commercial jusqu’au SAV.

Les configurations organisées en processus ont en commun : une organisation transversale (en processus), un nombre de niveaux hiérarchiques réduit et une coordination renforcée des tâches.

b) L’impact sur la structure

La logique de processus conduit à d’importants changements dans la structure :

  1. Les salariés intégrés dans les processus sont responsabilisés dans la mesure où les postes sont interdépendants. La rémunération est conditionnée aux performances.
  2. La réponse aux attentes des clients est plus efficace car les informations sont plus accessibles et leur traitement est plus rapide.
  3. La culture d’entreprise évolue car une grande capacité d’adaptation de l’ensemble des salariés est nécessaire.

3. La configuration en projet

a) La définition du projet

La configuration en projet est une variante de la structure en processus. Le projet est un processus éphémère réalisé de façon unique.

Exemple : un chantier naval construit un paquebot de croisière. Il s’agit d’un projet : le produit réalisé est unique. Ce projet va mobiliser une multitude d’équipes au service de la satisfaction du client.

b) Le fonctionnement d’une structure en projet

Le projet peut être intégré dans les fonctions existantes mais pour être vraiment performant, il doit être sorti de la structure afin de donner aux équipes une réelle autonomie.

Pour qu’une structure en projet fonctionne, il faut que les conditions suivantes soient remplies :

  • L’opération doit avoir un caractère exceptionnel.
  • L’opération nécessite la coopération des opérateurs fonctionnels (acteurs métier).
  • Le mode projet réduit les coûts et les risques.
  • Des délais stricts sont respectés à chaque étape du projet. C’est en particulier le cas lors de la réalisation de travaux publics dans le cadre de marchés publics. Les conventions passées prévoient des échéances précises et des pénalités en cas de retards.

Les nouvelles frontières de l’entreprise

1. Les enjeux de la redéfinition des frontières

Les incertitudes de l’environnement et la recherche de l’efficacité obligent les entreprises à retravailler en permanence sur leur chaîne de valeur. Elles doivent alors s’interroger sur leur cœur de métier et son éventuel déplacement. Elles peuvent être conduites à externaliser les activités non stratégiques en nouant des partenariats.

2. La mise en œuvre

Pour mettre en œuvre ces nouvelles configurations, deux voies principales sont envisagées : la réduction de l’intégration verticale et la réduction de la diversification.

a) La réduction de l’intégration verticale

L’entreprise développe la sous-traitance et les partenariats avec les fournisseurs. Elle externalise toutes ses activités non stratégiques (maintenance. paye, marketing, etc.). Les entreprises mettent en œuvre de nombreuses techniques de partenariats : sous-traitance simple, sous-traitance gigogne, création de coentreprise (joint-venture).

Exemple : Danone se recentre sur la produits liés à la santé (produits laitiers, eaux minérales) en abandonnant les emballages et les biscuits. La firme s’implante en Asie en s’associant avec des entreprises locales.

L’externalisation des services devient si forte que l’on parle parfois d’entreprise virtuelle ou modulaire.

Exemple : Airbnb est une entreprise virtuelle. Son siège social est à San Francisco mais elle est présente dans le monde entier à travers sa plateforme communautaire. Ses utilisateurs peuvent utiliser les services de réservation de logement à tout moment ou qu’ils soient.

L’entreprise Nike est essentiellement centrée sur la distribution d’articles de sport. Toute la production est réalisée par des entreprises indépendantes qui fonctionnent comme des modules autonomes.

b) La réduction de la diversification

La mondialisation intensifie la concurrence. La préservation de la compétitivité oblige de grandes entreprises conglomérales à se « respécialiser » en cédant ds activités sans lien avec l’activité stratégique.

c) L’intégration des TIC

La réussite de ces entreprises repose sur des systèmes d’information performants qui accélèrent la circulation de l’information entre les salariés et qui renforcent les liens entre l’entreprise et ses partenaires.

Cette intégration croissante des technologies de l’information et de la communication contribue à alléger les structures et à rendre les frontières de l’entreprise de plus en plus floues.

3. L’entreprise réseau

a) Les caractéristique

L’entreprise réseau rassemble plusieurs entreprises ou entités interdépendantes ayant chacune une compétence spécifique et qui vont intervenir de façon unique ou récurrente sur un processus global.

Exemple : les structures suivantes s’apparentent à des entreprises en réseau :

  • L’entreprise étendue comme Airbus dans laquelle les sous-traitants sont directement associés à la conception et à la fabrication.
  • L’entreprise modulaire comme Nike.
  • L’entreprise virtuelle comme eBay.

Cette représentation est en rupture avec le schéma classique de l’entreprise intégrée dans laquelle l’ensemble des étapes, depuis la conception du produit jusqu’à sa distribution, est assuré par la même entité.

b) Le fonctionnement

Le réseau est constitué de multiples membres : les fournisseurs, les transporteurs, les distributeurs, les financeurs mais aussi d’anciens salariés qui réalisent des missions spécifiques (outsourcing) ou les collectivités locales. Les clients sont également intégrés au réseau.

Tous ces membres partagent leurs informations afin de réaliser un projet commun. Mais ils ne sont pas dépendants d’un seul partenaire. Ils conservent la liberté de réaliser d’autres transactions avec d’autres entreprises ou d’autres réseaux.

Exemple : la construction d’un Airbus repose sur un réseau d’entreprises qui travaillent en étroite collaboration :

  • Les sous-traitants qui fabriquent les différentes pièces de l’avion.
  • Les transporteurs qui convoient les pièces.
  • Les ateliers qui assurent l’assemblage des composants.
  • Le client qui est intégré pour finaliser les aménagements intérieurs spécifiques.