L’activité de l’entreprise peut générer des dommages corporels, matériels et moraux engageant sa responsabilité. La demande sociale exige davantage de sécurité et conduit à la mise en place de mécanismes de collectivisation par les assurances ou par l’État.

L’objectivation de la responsabilité

1. Le développement des responsabilités objectives

On assiste au développement de l’objectivation de la responsabilité civile, c’est-à-dire que celle-ci se détache de plus en plus de toute connotation morale. L’évolution contemporaine & permis de prendre conscience des limites d’une responsabilité fondée sur la faute au profit d’une responsabilité objective détachée de l’idée de faute.

Ce recul de la faute et le passage à une responsabilité modernisé, fondée sur le risque, se tournent essentiellement vers la défense des intérêts des victimes.

2. Un Instrument juridique au profit des victimes

C’est la volonté de protéger les victimes qui a poussé au développement de responsabilités objectives techniquement plus faciles à mettre en œuvre et permettant en principe d’obtenir plus rapidement l’indemnisation, en évitant un débat sur la faute.

La responsabilité civile consiste désormais moins en la sanction d’un comportement illicite qu’en un instrument juridique permettant à une victime d’obtenir réparation des dommages qu’elle a subis. Les manifestations de cette tendance sont perceptibles à travers le développement des lois d’indemnisation.

Exemple : la loi du 5 juillet 1985 a été adoptée pour améliorer la situation des victimes d’accidents de la circulation. En vertu de cette loi, elles peuvent obtenir réparation des dommages subis sans avoir à prouver l’existence d’une faute imputable à l’auteur des dommages.

Le mouvement d’objectivation de la responsabilité, qui conduit à s’attacher à la réparation du dommage plutôt qu’au seul comportement du sujet responsable, nécessite d’assurer une collectivisation de la responsabilité afin de diluer la charge de l’indemnisation.

La mutualisation par les assurances

1. L’origine de l’assurance

L’activité d’assurance trouve son origine dans la volonté des agents économiques, individus et entreprises, de se protéger contre les aléas de l’existence, qu’il s’agisse de dommages aux biens (exemples : automobile, habitation) ou aux personnes (exemples : santé, invalidité, décès), que ceux-ci aient été causés involontairement à autrui (responsabilité civile) ou à soi-même.

2. Le mécanisme de l’assurance

a) La mutualisation

L’assurance permet le partage des risques entre une multitude de personnes : en contrepartie du paiement d’une cotisation sous la forme du versement d’une prime, chaque assuré a le droit de recevoir une indemnité en fonction de la nature et de l’importance des dommages subis en cas de sinistre ou d’accident. L’assuré bénéficie donc du droit à percevoir une indemnité en cas de réalisation du risque.

Exemple : un individu qui en blesse un autre accidentellement ne paiera pas lui-même les dommages et intérêts auxquels il est condamné s’il bénéficie d’une assurance responsabilité civile. Ainsi, la charge de la condamnation civile ne repose pas nécessairement sur le condamné mais sur l’assureur, et finalement sur la collectivité des assurés.

Sur le plan technique, tout assureur organise le regroupement d’un grand nombre de risques de nature semblable et la mutualisation des moyens de telle sorte que les sinistres des uns sont compensés par les cotisations versées par tous.

La mutualisation est la division de la charge des dommages entre tous. Elle permet de compenser mutuellement les risques encourus par chacun, l’assureur étant l’organisateur de cette mutualisation matérialisée par un contrat d’assurance conclu avec chaque personne assurée.

b) Le bien assurable

L’assurance repose sur une appréciation statistique du risque. Le bien assurable doit être soumis à un aléa, qui peut porter sur la survenance d’un événement concernant le bien (exemple : le vol) ou sur la date de réalisation d’un événement certain (exemple : le décès dans le cas de l’assurance-décès).

L’aléa est le caractère principal de tout contrat d’assurance. Il doit être suffisamment courant pour qu’on puisse calculer sa probabilité, sans être trop courant au point d’être quasi certain, car alors il ne pourrait être couvert qu’à un tarif prohibitif.

c) Le sinistre

Il s’agit de la réalisation du risque contre lequel on s’est prémuni. En assurance de responsabilité, c’est la réclamation de la victime qui constitue le sinistre.

d) La garantie

La garantie est l’engagement pris par l’assureur de couvrir le sinistre selon les termes du contrat d’assurance. Lorsque le risque se réalise, l’assureur doit payer, dans le délai convenu, l’indemnité ou la somme déterminée d’après le contrat conclu avec l’assuré.

L’assureur doit fournir de façon loyale une information complète sur le prix et le contrat préalablement à sa signature afin que l’assuré connaisse le contenu du contrat auquel il va adhérer. Il doit à ce titre attirer l’attention de l’assuré sur les exclusions possibles, c’est-à-dire les conséquences du dommage causé qui ne sont pas garantis (exemples : amendes, incendie volontaire).

3. Le contrat d’assurance de biens

L’assurance de biens, aussi appelée assurance de dommages, couvre l’assuré pour les dommages qu’il subit. La souscription d’une telle assurance garantit l’organisation contre les risques qui la menacent (exemples : incendie, inondation) et lui permet de transférer les conséquences qu’elle ne peut assumer seule.

4. Le contrat d’assurance de responsabilité

L’assurance de responsabilité couvre les dommages causés aux tiers (exemple : les clients) par une organisation. Cependant, les juges considèrent que la garantie contractuelle peut valablement être exclue d’une assurance de responsabilité.

Exemple : un loueur de scooters de mer installé sur une plage est assuré si son salarié blesse une personne en manipulant l’engin. En revanche, si un client est blessé en raison d’un défaut de fabrication ou d’entretien du scooter, le loueur n’est pas couvert car il s’agit d’un dommage « contractuel ».

La socialisation par la solidarité nationale

1. Une exigence croissante de sécurité

La société actuelle refuse la fatalité et évolue vers une exigence croissante de sécurité et la volonté de garantir la réparation. La solidarité nationale s’est donc développée pour permettre l’indemnisation de risques mal identifiés a priori ou dont le coût prohibitif rend difficile la couverture par le seul jeu des mécanismes classiques d’assurance. Elle répond à l’évolution des risques eux-mêmes et de leur perception.

Exemple : accidents médicaux, risques technologiques, menaces liées à l’environnement, à l’alimentation.

L’évolution ainsi constatée vers une plus grande « socialisation du risque » ou prise en charge du risque par la société se justifie par l’idée qu’il y a des risques dont il serait injuste de ne pas partager la charge entre les individus.

Exemple : indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, d’actes terroristes ou de contamination.

2. Le rôle de la puissance publique

La puissance publique a souvent un rôle moteur dans l’évolution vers une socialisation accrue du risque en tant qu’acteur et régulateur face à des risques dont elle ne peut se désintéresser. Selon la logique de solidarité nationale, l’État répare les dommages qui se rattachent à l’exercice de ses compétences, même s’ils n’ont pas été causés par une personne publique.

Exemple : indemnisation des accidents du travail par la Sécurité sociale, carence de l’État dans la prévention des risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante.

L’intérêt général doit aussi, le cas échéant, être protégé au travers de la sanction pénale, prévue par les droits français et communautaire.

Exemple : la loi du 2 août 2008 relative à la responsabilité environnementale renforce les sanctions encourues en cas de rejets volontaires ou involontaires dans la mer. La peine est de 15 millions d’euros en cas de faute intentionnelle. Cette loi adapte le droit national au règlement européen de décembre 2006.

3. Les fonds d’indemnisation

Ils représentent un système mixte combinant solidarité et assurance. Ces fonds permettent de séparer la question de la responsabilité de celle de la réparation et d’accorder prioritairement une indemnisation aux victimes.

Certains fonds répondent aux risques naturels ou sociaux, pour des dommages ne se rattachant à aucune responsabilité (exemples : calamités agricoles, aléas thérapeutiques) ou lorsque le responsable n’est pas identifié, pas assuré ou insolvable (exemples : terrorisme, victimes d’infractions pénales). D’autres fonds répondent à l’apparition de nouveaux risques de masse (exemple : indemnisation des préjudices résultant de la contamination par le VIH causée par une transfusion). L’intérêt des fonds est de permettre des financements croisés par la solidarité nationale.

Exemple : la loi du 9 septembre 1986 crée un fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme pour les dommages corporels, financé par un prélèvement sur les contrats d’assurance de biens.

4. Le risque de dilution de la responsabilité

La socialisation accrue du risque présente des limites en tenues de coûts pour la société, ainsi que le danger d’une déresponsabilisation des acteurs de l’économie. La responsabilité civile est axée sur la réparation, ce qui peut se traduire par une dilution du concept de responsabilité. Les acteurs ne sont pas incités à réfléchir aux conséquences dommageables potentielles de leur activité ou de leur comportement. Et ce d’autant moins que la réparation est prise en charge par la collectivité.