Face aux évolutions de l’environnement et aux réorientations stratégiques, les dirigeants d’entreprise doivent conduire le changement efficacement. Ils doivent identifier les résistances de la part des salariés qui y sont confrontés et les dépasser.

La notion de changement structurel

1. Définition

Le changement structurel est un processus par lequel la structure d’une entreprise dans sa globalité ou dans quelques caractères est modifiée pour atteindre un niveau de performance meilleur. Dans le contexte économique actuel, les changements de stratégies étant plus fréquents, ils entraînent les changements structurels.

2. Les caractéristiques du changement structurel

Plusieurs critères peuvent être retenus pour caractériser un changement structurel.

a) Le rythme du changement

Le rythme du changement permet de distinguer le changement rapide, souvent décidé dans une situation de crise, et le changement progressif.

b) La volonté de changement

Le degré de volonté de changement oppose le changement voulu parles dirigeants et le changement subi.

c) L’ampleur du changement

L’ampleur du changement sépare le changement majeur, concernant l’ensemble de l’organisation, et le changement mineur, portant sur quelques activités.

Exemple : en décidant de se rapprocher, la Fnac et Darty ont la volonté de construire un leader national de la vente de produits électroniques et éditoriaux. Ce changement est voulu, majeur et rapide.

La conduite du changement

Pour réussir, le changement doit passer par trois phases principales selon Kurt Lewin.

a) La phase de dégel

Le dégel est la phase de prise de conscience au cours de laquelle les dirigeants réalisent la nécessité du changement.

b) La phase de mouvement

Le mouvement est la phase de réalisation du changement structurel. Il convient de faire accepter le changement aux différents acteurs et de limiter les résistances qui peuvent apparaître.

c) La phase d’enracinement

L’enracinement est la phase d’intégration du changement par les acteurs qui doivent retrouver un nouveau mode de fonctionnement dans des structures nouvelles.

Les phases de croissance et les crises des structures

Quand les entreprises grandissent, elles passent par des phases successives de croissance et de crises. À chaque phase correspond un changement structurel. Ces étapes ont été décrites par L. E. Greiner.

1. La phase entrepreneuriale

L’entreprise qui démarre est centrée sur la production et la commercialisation. L’organisation du travail est faible et essentiellement centrée sur le dirigeant. La coordination repose sur l’ajustement mutuel. La structure est simple.

Progressivement, le manque de méthodes et d’organisation engendre les premières tensions : c’est la crise de leadership.

2. La phase collective

La mise en place de procédures plus rationnelles donne à l’entreprise davantage d’efficacité. L’organisation du travail reste centralisée et la supervision directe est dominante. Une structure fonctionnelle se développe. Pourtant, le contrôle trop centralisé et l’absence de délégation font naître un besoin d’indépendance chez les subordonnés. C’est la crise d’autonomie.

La phase de décentralisation

Elle apparaît avec l’expansion des marchés de l’entreprise. Le dirigeant a décentralisé les responsabilités. La standardisation par les résultats est la forme dominante de coordination. La structure est fonctionnelle (si l’entreprise est spécialisée) ou divisionnelle (diversification). Le danger à ce stade est l’excès d’autonomie donnée aux unités décentralisées. Une reprise en main par le sommet stratégique est nécessaire. C’est la crise du contrôle.

Exemple : BlaBlaCar a finalement décentralisé sa structure en étant présent dans différents pays. L’activité s’accroît fortement. La multiplication des ouvertures rend nécessaire un contrôle des différentes équipes pour préserver la cohérence de l’entreprise autour de ses valeurs d’origine.

4. La phase de coordination

L’activité est désormais mieux contrôlée. Les services fonctionnels se renforcent tout en contrôlant l’action des divisions. La structure reste divisionnelle avec un état-major renforcé (structure staff and line).

Mais le formalisme engendre un risque bureaucratique (excès de paperasserie). C’est la quatrième crise.

5. La phase de collaboration

Avec l’introduction de systèmes d’information performants, la crise bureaucratique est vaincue. L’entreprise met en place des processus qui facilitent la coordination entre les membres des équipes de travail. Le management devient plus flexible. La polyvalence est recherchée. La structure devient matricielle ou par projet. On trouve à cette phase des configurations adhocratiques.

Mais cette organisation est très exigeante pour les salariés et la pression exercée sur les cadres engendre une saturation psychologique. C’est la crise du renouveau.

6. La phase d’externalisation

L’entreprise choisit d’externaliser les activités non stratégiques et de se recentrer sur son cœur de métier. Les structures en réseau émergent alors.

Exemple : le constructeur d’avions Airbus a choisi une configuration en réseau avec une multitude de sous-traitants qui alimentent directement la chaine de montage.

Les résistances au changement

1. La résistance des acteurs

Face aux changements structurels, l’entreprise est confrontée aux résistances des dirigeants et des salariés.

Exemple : face à la décision de la direction de fermer une usine, les salariés d’Alstom ont engagé une grève. Ce mouvement a permis la sauvegarde des emplois.

a) Les causes de la résistance

On peut identifier trois grands familles de résistances :

  1. La peur de l’inconnu : l’acteur ne voit pas où il va.
  2. La peur de perdre des acquis.
  3. La conviction que le changement n’est pas bénéfique à l’entreprise.

Selon le sociologue français M. Crozier, cette résistance au changement est normale. Il montre que le changement, en modifiant la situation des acteurs, engendre de l’inquiétude (la peur de perdre les acquis) et modifie les stratégies individuelles. Les acteurs élaborent des stratégies à partir des contraintes qu’ils perçoivent et des enjeux de pouvoir.

Exemple : quand GDF et Suez ce sont réunis pour donner naissance à Engie, la crainte des cadres étaient de voir leur poste fusionner. Ils ont donc développé des stratégies personnelles pour préserver le statut acquis avant la fusion.

b) L’impact de la culture d’entreprise

Si les résistances sont le plus souvent inhérentes aux acteurs (salariés ou dirigeants), on peut admettre que la culture d’entreprise peut également constituer un facteur supplémentaire de résistance. Une culture ouverte à l’innovation va facilement intégrer les changements organisationnels. Une culture plus traditionnelle peut constituer un frein au changement.

2. Les phases de la résistance au changement

Face au changement, un acteur passe généralement par cinq phases successives :

  1. L’acteur rejette le changement qui perturbe trop la situation acquise.
  2. L’acteur admet ensuite le changement mais essaye de l’adapter pour qu’il perturbe le moins possible ses habitudes.
  3. L’acteur comprend que le changement est inévitable, ce qui le déprime.
  4. L’acteur accepte le changement avec regret. C’est le syndrome du « c’était mieux avant ».
  5. Le groupe de salariés qui a déjà intégré le changement aide l’acteur à faire de même et à en voir les côtés positifs.

3. Les solutions à la résistance

Il existe différentes techniques permettant de réduire les résistances, qui sont à utiliser en fonction des causes ayant engendré ces résistances.

a) L’information

Si les résistances proviennent d’un manque de communication, la solution repose sur l’information afin de réduire les malentendus. Pour que cette technique réussisse, elle suppose que les salariés fassent confiance aux dirigeants.

b) La participation

L’entreprise peut également intégrer davantage les salariés au processus de changement soit par la participation directe (si le niveau de formation des salariés le permet), soit par un accompagnement psychologique (si les résistances engendrent une angoisse croissante des salariés). Ces techniques sont longues et coûteuses.

c) La négociation

Si la résistance émane d’un groupe de salariés qui agit en puissant contre-pouvoir (action syndicale, par exemple), la solution repose sur la négociation et la recherche d’une entente.

d) La contrainte

Restent enfin des techniques plus radicales qui utilisent la contrainte et la menace. Ces techniques peuvent en cas d’échec faire perdre sa crédibilité à leur auteur et entrainer une radicalisation de la résistance.