Le ciblage, nécessaire aux professionnels de la communication comme a ceux du marketing, implique une analyse des groupes, des fractions de la population. On parle de segmentation. Cette partition des cibles médiatiques peut se faire sur des critères objectifs, économiques, démographiques ou géographiques.

L’approche socio-économique

1. Les classes sociales

a) Le concept de classe sociale apparait au XXe siècle

La France de la première moitié du XIXe siècle est rurale. La société paysanne (75 0/0 de la population) est très hétérogène et inégalitaire mais les codes sociaux sont stricts et le communautarisme villageois fermement ancré. À partir des années 1940, les effectifs ruraux et agricoles se réduisent rapidement. De La population ouvrière croit régulièrement à partir de 1850 pour représenter 40 % de la population en 1931. En 1850, la bourgeoisie (environ 20 % de la population) se distingue par son aisance matérielle. Mais les clivages e1 les écarts de revenus sont importants, notamment entre la petite bourgeoisie de province et la grande bourgeoisie parisienne. À cette époque, 3 0 de la population possède plus de 50 % du patrimoine.

b) Vers une disparition des classes sociales

Depuis 1945, la France est devenue essentiellement urbaine. La distinction entre classe ouvrière et petite bourgeoisie semble s’effacer au profit du concept de classe moyenne. Dès les années 1970, la classe ouvrière décroit (les ouvriers ne représentent aujourd’hui que 23 % de la population) ; sa composition se modifie (augmentation des ouvriers qualifiés) et les onctions des ouvriers changent (la plupart sont des ouvriers de service, des employés). La classe ouvrière, hétérogène et éclatée, disparait progressivement des classifications traditionnelles. Pour M. Pingon et M. Pincon-Charlot, sociologues, un paradoxe subsiste : si la conscience de classe décliné chez les ouvriers qui en ont longtemps été les principaux dépositaires, elle se consolide dans les classes possédantes. La lutte des classes se poursuit implicitement sur la base d’inégalités économiques et sociales fortement structurées. La classe moyenne ne serait alors qu’un leurre, un idéal-type créé par la société de consommation de masse pour définir un vaste groupe social, cible privilégiée des médias. De fait, « l’individu moyen statistique », en termes de revenus, de fiscalité, ne se confond pas avec l’image qu’en donnent médias et publicité la classe moyenne médiatisée ne représente pas la moyenne de la société mais regroupe plutôt des cadres dirigeants, des ingénieurs, une catégorie de la population qui serait, par ses revenus mais surtout par ses aspirations et ses modes de vie, le consommateur moyen. Ainsi, 40 % des Français déclarent appartenir a la classe moyenne, alors que seuls 25 % y sont statistiquement regroupés.

2. Les PCS

a) Une approche statistique

C’est l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) qui établit la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles « PCS » à partir de données recueillies lors de recensements, d’enquêtes statistiques auprès des ménages, des entreprises ou des administrations. En 2003, I’INSEE distinguait huit CSP agriculteurs exploitants ; artisans, commerçants et chefs d’entreprises ; cadres et professions intellectuelles supérieures : professions intermédiaires ; employés ouvriers ; retraités autres personnes sans activité professionnelle.
Aujourd’hui, la nomenclature des PCS permet d’identifier la part relative de chaque domaine d’activité ou profession dans la société. Plusieurs subdivisions successives permettent finalement de distinguer 860 PCS prenant en compte le statut (salarie ou indépendant), la taille de l’entreprise, le niveau de qualification…

b) Les limites de l’approche statistique

Les liens entre classe sociale et PCS, s’ils sont indéniables, sont difficiles à établir précisément. De plus, la profession ou le niveau de revenu ne suffisent pas à établir une mentalité, un comportement.
Par ailleurs, l’évolution de la société n’a pas produit un nivellement des revenus. La stratification des comportements, certes liée aux revenus, dépend aussi de nombreux autres éléments comme le capital culturel, le mode de vie… Enfin, les données statistiques présentent de manière figée une société en mouvement en termes d’évolution professionnelle, de revenus ou de prestige. Ainsi, certaines professions perdent ou gagnent du prestige assez rapidement, les grilles salariales sont vite obsolètes, la mobilité professionnelle et donc sociale s’accroit.

Le classement des PCS ne permet donc qu’une approche marketing parmi d’autres du comportement des Français.

L’approche socio-démographique

1. Les classes d’âge

a) Le marketing générationnel

Les Profils Générations développés au milieu des années 1990 s’inspirent des travaux de Daniel Yankelovich (1960). Issus du marketing générationnel, ils segmentent la population en groupes de personnes d’une même tranche d’age. Ils reposent sur l’idée que les personnes d’une même génération sont marquées par les mêmes faits économiques, sociaux, politiques. Elles ont ainsi acquis des réflexes de consommation commun, qu’elles ont conservés. Donc, plus que l’âge, c’est la date de naissance qui serait à prendre en compte.

Exemple : les Profils Générations 1992 segmentaient la cible des Seniors de plus de 50 ans en quatre groupes : Baby-boomers (50 a 57 ans), Jeunes Seniors (58 a 67 ans), les Seniors (68 a 79 ans) et Grands Seniors (les plus de 80 ans). L’étude de chaque segment permet d’établir un profil-type.

Exemple : les Grands Seniors sont aussi appelés la « génération de la crise ». Les plus âgés, ayant connu les deux guerres, ont souvent vécu en milieu rural. C’est la génération qui consomme le moins, excepté les produits liés a la santé.
Elle est constituée en grande majorité de femmes qui connaissent la valeur des choses et sont sensibles au confort et aux services qui simplifient la vie.

Les publicitaires utilisent les clichés (stéréotypes spécifiques à un groupe) propres a chaque tranche d’âge profilée par le marketing générationnel.

Exemple : les adolescents sont hédonistes, grégaires, narcissiques,
paradoxaux (rebelles et conformes, idéalistes et pragmatiques…).

b) Les limites de l’approche socio-démographique

Souvent, parce que les évolutions sont rapides, le publicitaire s’adresse a une classe d’age plus qu’a une génération les seniors des années 1980 et ceux des années 2010 ne se comporteront pas de la même manière ; certains ont vécu la guerre, d’autres la crise, le chômage… Les segments traditionnels deviennent également obsolètes la ménagère de plus de cinquante ans, autrefois femme au foyer, s’habille maintenant comme sa fille et occupe ses loisirs par du sport, des sorties nocturnes… Le brouillage générationnel consacré aujourd’hui avec l’apparition des termes « jeunisme » et « adulescence » remet en question le marketing générationnel, voire trans- générationnel ; en effet, le marketing qui vise une clientèle plus large, ciblant plusieurs générations, repose encore sur une classification générationnelle de la population.

Exemple : les campagnes actuelles de la marque Petit Bateau ciblent la clientèle enfant et mère.

2. Le sexe et le genre

La partition de la population selon le sexe semble simple et efficace les besoins et aspirations des hommes et ceux des femmes sont a priori distincts.

Exemple : la femme, mère, fille, épouse ou maitresse, est la cible de nombreuses campagnes de parfums, vêtements, lingerie. L’homme, père, fils, amant est l’acheteur idéal des secteurs automobile, sportif.

Cependant, au-delà du sexe, le marketing actuel s’intéresse au genre : le « féminin » et le « masculin » comme construction culturelle, reposant sur différents rites sociaux, pratiques, normes de comportement. Les campagnes publicitaires jouent alors avec les clichés soit en les reproduisant, soit en les interrogeant.

Exemple : les campagnes pour des produits de beauté peuvent cibler les hommes, celles pour des automobiles les femmes. Par ailleurs, selon les analyses de tendances, les valeurs dites féminines sont en vogue : sens pratique, modestie, sagesse, intuition, équilibre, pacifisme, douceur… Elles seraient ainsi indépendantes du sexe des individus.

3. La répartition géographique

Une nouvelle approche permet d’analyser le comportement des individus en tenant compte des notions d’espace et de déplacement le géomarketing. Cette technique consiste à analyser les données socio-démographiques, comportementales, économiques, de la population d’un territoire, en faire la représentation cartographique. Cette connaissance stratégique du territoire permet d’en optimiser la gestion commerciale. Ses applications sont nombreuses.

Exemple : études de zones de chalandise (zone d’attraction commerciale d’un point de vente), optimisation des moyens du marketing direct (publipostage, phoning, imprimés sans adresse…).

La famille, la communauté et la tribu

1. La famille

La famille est un groupe social et une entité culturelle avec des pratiques et des rituels identifiables. Elle transmet des valeurs, des normes qui permettent T’intégration de l’individu dans le corps social, que ce soit par conformisme, par innovation ou par rébellion. La famille est le principal acteur de la consommation. Les normes de rôles (rôle du père, de la mère, de la grand-mère, de l’adolescent…) sont fondamentales dans la publicité. L’évolution de la cellule familiale fait donc l’objet d’études.

Exemple : études sur le taux de fécondité, de nuptialité, sur la proportion de familles monoparentales, sur révolution des formes de parentalité, de fratrie.

2. La communauté

Une communauté est un rassemblement d’individus unis par des liens tels que la religion, la culture, l’histoire. Il s’identifie par des pratiques culturelles spécifiques, souvent associées a des pratiques de consommation.

3. La tribu

On parle de tribus lorsque les communautés se constituent sur des affinités, lorsqu’elles sont électives. Les tribus sont des micro-sociétés organisées autour de codes vestimentaires, d’éléments de langage, de pratiques identitaires (gothiques, surfers, babacools…). Elles suivent des tendances, sont fluctuantes et par nature éphémères. Leurs styles de vie leur confèrent une identité. La médiatisation de leur image consacre leur existence et participe a leur développement. Le marketing tribal analyse les rites et comportements de ces tribus pour promouvoir des produits très ciblés.